Cette interrogation me fut posée lors d’une rencontre avec une personne travaillant dans un service de soins de santé existant en Flandre lors d’un entretien à quelques kilomètres de chez moi. C’était à Tirlemont et moi j’habite Jodoigne.
Je suis atteint de la maladie à Corps de Lewy. J’ai 58 ans et je suis le papa de trois enfants. Je vis seul. J’ai vécu très rapidement sur le plan professionnel la mise sur une voie de garage. L’arrêt de travail a considérablement augmenté mon isolement.
Cette interrogation, qui me fut posée en français, après un entretien positif que nous avons eu en flamand, m’a déstabilisé. Je me suis dit « on en est là, en Belgique ? »
Après plusieurs jours de réflexion. J’y ai trouvé la réponse. Non, je ne suis pas en mesure de déménager en Flandre. Je n’ai aucun a priori contre les Flamands, je sais me débrouiller en flamand, mais pas suffisamment pour y vivre et quitter mes racines qui sont en Wallonie. Cela ne fait pas partie de ce que j’envisage de faire.
En Belgique, la Flandre a déjà adopté plusieurs plans démence et a mis en place une série de structures. Des parlementaires flamands à la Chambre des représentants ont soumis une résolution pour la mise en place d’un plan fédéral en insistant sur la spécificité des jeunes personnes atteintes d’une démence et des mesures à prendre. Un débat a eu lieu et une résolution fut même adoptée à l'unanimité le 5 mai 2022 à la Chambre.
Avec le Collectif Auguste et les autres, j’ai participé, avec d’autres malades ou de proches aidants, à des réunions avec les autorités wallonnes tant ministérielle qu’avec l’AVIQ (l’Agence pour une Vie de Qualité, qui regroupe toutes les aides destinées aux personnes en situation de handicap.
Je sais que cette même démarche a eu lieu en Région bruxelloise. Nous avons eu comme réponse beaucoup de larmes, de compassions du genre « on ne savait pas, on découvre », ou mieux « pouvez-vous nous envoyer des propositions », chose qui fut faite par le Collectif. Depuis lors, le grand silence, rien n’a bougé...
Pour rappel, depuis le 19 septembre 2013, la régionalisation de la politique pour les personnes handicapées existe. Les personnes atteintes d’une démence peuvent demander une reconnaissance de leur handicap. À ce jour, aucun plan ni en Wallonie ni à Bruxelles n’a encore pu être adopté.
Comme l’a relevé une recherche participative menée en 2022 par l’association Esenca, qui défend les intérêts des personnes handicapées, le terme “démence” renvoie au stade de la maladie à partir duquel les troubles cognitifs et du comportement ont un retentissement sur les activités de la vie quotidienne de la personne qui est atteinte, et qui entraîne sa perte d’autonomie. On considère les démences jeunes, précoces ou « juvéniles » comme correspondant aux démences diagnostiquées avant l’âge de 65 ans ; la plupart du temps avant 60 ans, mais aussi dans la quarantaine.
Pourquoi la Wallonie n’est-elle pas au rendez-vous de cette problématique ? Existe-t-il au sein de l’AVIQ un organe qui assure une veille documentaire sur ce qui se passe sur une problématique existante ? Peut-on espérer que l’AVIQ soumette au Parlement wallon un plan « Démence » et des solutions, car les problèmes sont là, ne nous voilons pas la face. Ces questions concernent également la Région de Bruxelles-Capitale.
Ne pourrions-nous pas nouer un accord de collaboration comme il en existe pour d’autres matières avec la Flandre qui dispose déjà d’une certaine expertise ? A quelques encablures de Liège, aux Pays-Bas, l’université de Maastricht dispose également d’une expertise en matière d’aide des personnes jeunes qui vivent avec une démence précoce.
Bref, il existe autour de nous, des institutions qui ont déjà une expertise. Pourquoi dans ce petit pays, il n’y a pas moyen d’échanger pour améliorer la vie des jeunes atteints d’une Démence ?
Je me suis déjà souvent exprimé sur cette différence entre le nord du pays et le sud. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un problème financier qui explique cette différence. Selon moi, c’est une question de prise de conscience de la réalité. Elle est plus forte en Flandre que dans le reste du pays. Et pourtant cette réalité est connue. Elle a été débattue à la Chambre des représentants à l’initiative de la Députée, Madame Els Van Hoof.
En novembre 2023, RTL Tvi a consacré une émission « Image à l’appui » sur le témoignage d’un couple dont l’épouse qui a moins de 65 ans est atteinte du syndrome de Benson. Ce témoignage est bouleversant d’humanité et met en lumière que les réponses des pouvoirs publics wallons ne sont pas à la hauteur des réalités des gens.
On ne peut donc pas fermer les yeux. La réalité est connue. Alors pourquoi la Wallonie et Bruxelles n’agissent pas en profondeur eu égard à l’expertise existante en Flandre. ?
Aux dernières nouvelles l’AviQ voudrait faire toute autre chose que ce que la Flandre fait…. Je trouve cela déplorable que dans un même pays on ne puisse pas traiter une problématique ensemble.
J’ai déjà personnellement témoigné à de multiples reprises sur ma réalité de malade atteint de la Démence à Corps de Lewy. La dernière fois c’était lors du colloque de l’association Lewy Belgium organisé à l’UCL Woluwe le 27 janvier 2024.
J’ai donc apporté ma pierre pour communiquer et informer sur la situation d’un jeune malade. Cela n’a pas été facile pour moi et n’a pas toujours suscité des retours constructifs.
Aujourd’hui, mon énergie pour monter au créneau a diminué. Je me débrouille comme d’autres malades. Mon espérance, c’est que cela bouge en Wallonie et à Bruxelles et que les nouveaux élus et les nouvelles majorités agissent. J’espère qu’un jour on ne doive plus poser cette question à un malade atteint d'une démence « Et si vous déménagiez en Flandre ? »
Bruno
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